Un requérant d'asile joue les héros

Fribourg • Un voleur, qui avait dérobé des parfums dans un magasin du centre-ville de Fribourg, a été neutralisé par un réfugié syrien. Son récit est digne d’un polar.

FRANÇOIS MAURON

C’est la pause de midi. Vous marchez tranquillement dans une rue du centre-ville de Fribourg. Soudain, un individu surgit hors d’un grand magasin et s’enfuit à vive allure sur l’asphalte, talonné par une vendeuse faisant de grands gestes. Laquelle, malgré ses efforts, ne parviendra visiblement pas à le rattraper. Comment réagissez-vous?

Rostam Osman, lui, ne se pose pas de question. Démarrant au quart de tour, il prend en chasse l’inconnu, qui, dévalant dans la rue de Romont, tente de semer son poursuivant dans les ruelles adjacentes. Après une course-poursuite de plusieurs minutes, il parvient à plaquer au sol le fuyard, puis à le neutraliser. Son intuition était bonne: l’homme avait dérobé différents produits au rayon parfumerie de l’enseigne Manor. Grâce à son intervention musclée, ces derniers ont pu être restitués à leur propriétaire.

En Suisse depuis 2013

Quelques semaines après les faits, à l’instigation de «La Liberté», qui a eu vent de l’histoire, Rostam Osman en fait un récit circonstancié, d’une voix douce qui contraste avec son impressionnante carrure. Il parle lentement, cherchant un peu ses mots, tout étonné de se retrouver au centre de l’attention d’un média. A ses côtés, une interprète traduit ses propos. Car l’homme ne parle pas bien le français.

Et pour cause. Rostam Osman, 35 ans, est un réfugié, originaire de la partie kurde de la Syrie. «Je suis arrivé en Suisse en automne 2013, avec mon épouse et nos deux enfants. Nous avons déposé une demande d’asile», relate-t-il. En mars dernier, leur requête est acceptée. La famille est prise en charge par l’antenne fribourgeoise de Caritas, qui lui trouve un logement à Villaz-Saint-Pierre, et l’encadre de façon à faciliter son intégration. «Je suis actuellement des cours de français à Fribourg. J’espère pouvoir m’exprimer bientôt sans l’aide d’une traductrice. Mais pour l’instant, c’est encore un peu trop tôt», sourit-il.

En ce jour de la fin du mois d’août, ce coiffeur de formation - qui n’aspire qu’à retrouver un emploi en Suisse dans ce domaine - sort d’un rendez-vous chez un opticien. C’est alors qu’il est confronté au voleur, qui bondit du commerce de la rue de Romont tel un diable de sa boîte. «Personne n’a esquissé le moindre geste. Pour ma part, je n’ai pas hésité à intervenir. Je suis redevable au canton de Fribourg de nous avoir accueillis, ma famille et moi. Neutraliser ce personnage, c’était une façon d’exprimer ma reconnaissance», poursuit-il. Avant d’ajouter: «La direction du magasin Manor m’a écrit une lettre pour me remercier, et m’a offert un bon d’achat de 50 francs comme récompense.» Et de brandir fièrement le document, comme un petit trophée.

L’enseigne commerciale, de son côté, confirme les événements, sans livrer davantage de détails. «Manor ne commente pas les affaires de vol à l’étalage et ne donne de précisions ni sur leurs auteurs ni sur son système de prévention. Nous souhaitons cependant remercier encore une fois la personne qui est intervenue et saluer son geste citoyen», fait savoir Alexandre Barras, chargé de la communication du groupe.

Attention au danger!

Gallus Risse, porte-parole de la Police cantonale fribourgeoise, se félicite de l’intervention du réfugié, mais met en garde: «Il faut être prudent, car on ne sait jamais à qui on a affaire. Que se serait-il passé si l’homme avait sorti une arme, par exemple un couteau? Cela peut dégénérer. En de telles circonstances, nous invitons plutôt le public à localiser le suspect et à nous appeler au plus vite», observe-t-il.

Rostam Osman n’a pourtant écouté que son courage. Il faut dire, hélas, qu’il sait agir en situation de crise: «En 2012, j’ai combattu avec les milices kurdes contre le front Jabhat al-Nosra, qui est affilié à al-Qaïda. Je serais resté là-bas, si je n’avais pas eu charge de famille. Mais pour ma femme et mes enfants, c’était trop dangereux», lâche-t-il. 

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